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Non, l’intégration de l’IA à Google ne va pas tuer le SEO

Vous n’avez pas pu y échapper : le mariage entre l’IA et Google est consommé, le moteur va l’intégrer à ses services. Est-ce que les acteurs du SEO doivent s’inquiéter ? Non, en revanche, ils doivent s’adapter. On en a parlé avec Mathieu Barascou, le fondateur d’hyffen, un de nos partenaires privilégié chez spintank, et Fleur Bouré, notre directrice édito adjointe.

Dans cet article, on rencontre
L’article en 3 points :

Google met le turbo sur l’IA et ça va impacter la façon dont sont présentés les résultats de recherche.

Pas de panique, le SEO n’est pas mort pour autant. Par contre, il va évoluer, c’est sûr, et pour performer, il faudra plus que jamais miser sur la qualité, l’utilité et la pertinence des contenus pour les utilisateurs (et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle, non ?).

Cet entretien n’a pas été rédigé par une IA, mais il faut vraiment qu’on essaie pour les prochains 😉


IA IRL1

Le 14 mai 2024, nous étions tous suspendus aux lèvres de Sundar Pichai. Le patron de Google nous a ouvert les portes du futur. L’intelligence artificielle y occupe une place de choix, avec l’avènement de Gemini (un ChatGPT sauce Google, pour simplifier) et l’intégration de l’IA générative aux services de Google, via la généralisation d’AI Overviews. Alimentée par Gemini, cette fonctionnalité « résume » la première page des résultats de recherche, reléguant la liste de sites web à laquelle on est habitués à la seconde place. C’est un jalon important dans l’histoire du web, ou en tout cas du SEO.

Alors, on a eu envie d’en parler. Et pour cela, on a tout de suite pensé à Mathieu Barascou, le fondateur de l’agence spécialisée en SEO hyffen, et un de nos partenaires privilégiés chez spintank. Et pour discuter avec lui, nous avons été chercher Fleur Bouré, notre directrice éditoriale adjointe, adepte secrète de Semrush et de Google Trends.

On s’est demandé ce que ça voulait dire, tout ça. Qu’est-ce que ça change pour les gens qui font des sites et qui déploient des stratégies éditoriales sur le web ? Est-ce qu’il faut s’inquiéter ? Comment s’adapter ? Et demain, ça ressemblera à quoi le SEO ? Entretien entre Mathieu et Fleur.

Pour un résumé de la journée, allez voir sur le blog de Google ⬇️

Fleur : Beaucoup d’annonces lors du Google I/O 2024, le projet Astra et la recherche via l’image et la voix, la génération de vidéos avec Veo, et bien sûr l’énorme place donnée à Gemini, qui devient un véritable assistant dans les produits Google et vient s’intégrer aux résultats de recherche avec AI Overviews.

Sundar Pichai nous invite dans « l’ère Gemini » et ce n’est pas une grande surprise : l’intelligence artificielle est devenue incontournable depuis la fin 2022 et le lancement de ChatGPT. Tous les acteurs du numérique, historiques ou nouveaux arrivants, développent leurs services boostés à l’IA.

Vous l’aviez forcément vu venir aussi chez hyffen ?

Besoin d’un rafraichissement sur le fonctionnement de l’IA ? Cet article qu’on a fait avec l’Afnic pour le site Réussir en .fr est pour vous ⬇️

Mathieu : La traction générée par le lancement de ChatGPT a été fulgurante, et l’investissement des concurrents a été important et rapide. Après le lancement de Copilot par Microsoft sur son moteur de recherche Bing (basé sur ChatGPT), Google devait réagir.

En parallèle, depuis quelques années, Google fait face à des polémiques sur la qualité de ses résultats de recherche. Les internautes reprochent au moteur – pourtant très à la pointe technologiquement, car il utilise des modèles de natural language processing (NLP) et de machine learning depuis longtemps – de proposer certains résultats de recherche peu qualitatifs, avec des sites dont le contenu n’est pas utile.

La search generative experience (SGE), c’est sans doute Google lui-même qui en parle le mieux ⬇️

Pourtant, Google lutte contre ce type de contenus, notamment avec l’algorithme HCU. Les projets de Microsoft le poussent à changer un peu ses plans. La search generative experience (SGE) est en test depuis un petit moment maintenant, et Google travaille pour proposer des résultats pertinents.

Un rich snippet (extrait enrichi), ça peut ressembler à ça (source : Google himself !) ⬇️

Fleur : Donc, on est d’accord, ce n’est pas la peine de s’inquiéter ?

Mathieu : Il faut éviter de tomber dans un discours alarmiste qui dit que les moteurs de recherches, le SEO, ou même le SEA, sont morts. Pour plusieurs raisons.

D’abord, Google a annoncé son ambition de devenir un moteur de réponse, . La mise en place du knowledge graph, des rich snippets, avec par exemple la fameuse position 0 qui affiche un extrait du contenu d’un site, en sont les exemples. Oui, ces fonctionnalités ont fait baisser le trafic sur certaines requêtes, quand l’information recherchée était affichée sur la page de résultats et que l’internaute n’avait pas besoin de plus… Mais ça a aussi ouvert des opportunités pour des plus petits sites, qui ont pu passer devant le 1er résultat en organique.

Nous constatons depuis le lancement du test du SGE que l’apparition du module IA diminue. En fait, Google itère pour trouver le bon modèle, celui qui sera le plus utile pour les internautes, mais aussi celui qui lui permettra de faire perdurer son modèle économique principal, le SEA qui, rappelons-le, représente 50% de ses revenus. Or, sans SEO, pas de SEA : les internautes ne veulent pas d’une page de résultats 100% sponsorisés, et donc moins pertinente puisqu’elle ne contient plus les résultats naturels de sites pertinents et qualitatifs, qui n’achètent pas les clics.

Google doit continuer de valoriser des sites en organique, afin d’alimenter son IA avec les contenus publiés sur le web. Chaque jour, 15% des requêtes sont de nouvelles requêtes pour Google, qui doit donc comprendre les intentions de recherche et, évidemment, proposer des résultats.

« Il faut éviter de tomber dans un discours alarmiste qui dit que les moteurs de recherches, le SEO, ou même le SEA, sont morts. »

Mathieu Barascou

Fleur : Autrement dit, l’IA ne signe pas la fin du SEO.

Mathieu : Surement pas. Quand la tendance était au vocal, tout le monde disait que le SEO se ferait enterrer par les assistants vocaux, que le search se ferait désormais à l’oral… On n’y est pas du tout !

On peut citer l’exemple de Google images. En SEO, le changement a été brutal quand Google a modifié son fonctionnement. Avant, quand on cliquait sur une image, on était redirigé vers le site qui l’hébergeait. Après, Google a préféré afficher l’image dans sa page de résultat, entrainant une énorme perte de trafic pour certains sites. Il a fallu adapter les stratégies !

Je ne suis pas sûr que l’intention de Google soit de garder absolument les internautes sur sa page de résultats. Son modèle économique repose beaucoup sur les liens sponsorisés, il a donc intérêt à faire en sorte que la page de résultat soit une étape très qualitative de la recherche des internautes.

Fleur : Mais cela va engendrer des changements ?

Mathieu : Oui, c’est certain. Il va y avoir une baisse des audiences SEO sur certains types de requêtes. En particulier, les requêtes informationnelles (définitions ou how to). Mais l’impact sur les recherches transactionnelles semble beaucoup moins important.

Ce que l’on peut dire, c’est que nous allons vers une baisse du trafic, mais aussi vers une meilleure qualité et pertinence des résultats. Certains secteurs, comme la santé ou le juridique, seront aussi moins impactés. Google ne peut pas se permettre de se tromper sur le nombre de Doliprane qu’on peut prendre sur 24h ! Il préfère éviter de générer la réponse pour ne pas prendre la responsabilité du contenu.

« Nous allons vers une baisse du trafic, mais aussi vers une meilleure qualité et pertinence des résultats. »

Mathieu Barascou

Fleur : Forcément, les stratégies et les priorités SEO vont évoluer ?

Mathieu : C’est le début de nouvelles opportunités. Maintenant, l’enjeu va être de savoir quand et comment une marque ou un site s’affiche dans le résultat IA ou comment maximiser l’affichage des liens qui, selon Google, vont générer plus de clics vers les sites.

Les questions qu’il faut se poser sont relatives à l’usage des internautes : comment vont-ils s’approprier ces fonctionnalités IA ?

Fleur : De manière générale, nos clients s’interrogent beaucoup sur l’IA. Quasiment tous se sont amusés à prompter dans ChatGPT ou Midjourney, avec des résultats plus ou moins heureux, mais finalement, assez peu ont réussi à trouver des cas d’usages qui leur soient vraiment utiles. On constate aussi que les niveaux d’acculturation sont très divers, tous ne sont pas familiers avec le fonctionnement de l’IA, les technologies qu’il y a derrière ou les enjeux qui sont liés.

C’est pourquoi on a imaginé Mania, un workshop qui permet à la fois de muscler ses connaissances sur l’IA et d’expérimenter et de rechercher des scénarios pour l’exploiter, afin de gagner en productivité ou en créativité, par exemple.

J’ai assisté à plusieurs sessions et c’est toujours très enrichissant de réfléchir ensemble, de mettre les mains dans le cambouis si on peut dire, et de voir les idées naitre dans des domaines très variés : de l’indexation intelligente de contenus, à la traduction automatique, en passant par la synthèse de documents. Bon, par contre, je crois qu’on n’y a jamais évoqué le SEO pour l’instant !

Et vous, vous parlez beaucoup des évolutions de Google, notamment liées à l’IA, avec vos clients, j’imagine ?

Mathieu : Oui, on communique beaucoup sur ce sujet. On explique ce qu’il se passe et comment réagir en fonction des scénarios. Et on fait des tests sur la SGE aux US depuis un moment. Pour ça, on recherche les thématiques de nos clients via des requêtes US.

Fleur : Et quels conseils vous donnez ?

Mathieu : Notre premier conseil, c’est surtout d’anticiper et de prévoir les scénarios, et sans paniquer ! Oui, demain, les moteurs de recherche vont évoluer. Ce n’est pas la première fois en 25 ans, et pas la dernière non plus.

Nous avons la chance de travailler avec des marques qui ont choisi de mettre en place des stratégies SEO fortes et ambitieuses, basées sur un travail qualitatif, et centrées sur un contenu utile pour les internautes.

Nous avons de bonnes raisons de penser que nous avons les clés pour réussir ce nouveau pari. Google va en effet valoriser dans ses résultats IA les meilleures sources de contenus sur un sujet. Pour les identifier, il va compter sur des algorithmes. Et nous pourrons compter sur les mécaniques que nous avons déjà mises en place. Depuis plusieurs années déjà, nous poussons les sites avec lesquels nous travaillons à afficher leurs auteurs et experts pour valoriser leur contenu, et rassurer sur leur expertise. Ce genre de leviers nous semble pertinents dans le cadre des évolutions à venir sur Google, pour être repris comme source dans les résultats IA.

« Notre premier conseil, c’est surtout d’anticiper et de prévoir les scénarios, et sans paniquer ! »

Mathieu Barascou

Fleur : On travaille souvent ensemble, pour conjuguer nos expertises en termes de production de contenus et de SEO. Avec ma casquette éditoriale, mon ambition numéro 1 est forcément de créer des articles qui soient intéressants. Ça veut dire rechercher l’angle, l’information ou le point de vue, qui va apporter de la valeur au lecteur. Et cette valeur, on peut la trouver à plusieurs endroits, que ce soit en se nourrissant d’une expertise spécifique, en proposant un contenu utilitaire ou parfois même en offrant du divertissement.

Et effectivement, ce qu’on constate quand on travaille avec les équipes hyffen, c’est que nos ambitions s’alignent, puisque vos recommandations – qui sont d’ailleurs aussi celles de Google depuis plusieurs années – consistent à proposer des contenus qui soient qualitatifs, c’est-à-dire, des contenus qu’on a envie de lire, tout simplement.

Et donc, toi ce que tu dis, c’est qu’avec l’arrivée de l’IA dans les résultats Google, cette approche va rester d’actualité. Finalement, il faut continuer à miser sur la qualité ?

Mathieu : C’est ça. Ça veut dire une stratégie SEO qui permet de toucher ses cibles avec un contenu pertinent.  Plus que jamais, les éditeurs de site vont devoir se (re)positionner sur certaines requêtes et préciser leur zone de légitimité : sur quelles requêtes a-t-on une réponse qualitative et vraiment utile à donner aux internautes ?

Nous allons devoir être encore plus vigilants, et sans doute devoir accepter de perdre certaines positions. Mais ça peut être intéressant aussi ! On constate que Google valorise parfois des sites sur des requêtes assez éloignées de leur identité première, ça peut même être assez surprenant. Par exemple, grâce à l’impact d’un passage TV et d’un SEO de confiance depuis plusieurs années, un site sur lequel nous travaillons a atteint la position 3 sur « miel » alors qu’il s’agit d’un site de vente de cosmétique en ligne au miel. Pourtant, Google n’avait aucun intérêt à le positionner si haut. D’ailleurs, notre taux de clic était très faible, ce qui est logique sur cette requête, puisque les internautes cherchent autre chose.

Fleur : Et en interne, chez hyffen, comment vous vous adaptez ? Vous utilisez l’IA vous aussi ?

Mathieu : Chez hyffen, on lit les études sur le sujet et on mène des tests sur la SGE aux US depuis un moment.

Et, oui, on utilise l’IA, nous aussi. Surtout comme un outil de productivité pour l’équipe, pour défricher le terrain autour d’un sujet sur lequel on cherche à se positionner ou s’immerger dans un nouveau projet ou une nouvelle thématique.

On s’appuie aussi sur l’IA pour vérifier qu’un contenu est exhaustif sur un sujet ou pour trouver des idées pour l’améliorer. C’est toujours intéressant pour se comparer aux autres contenus sur le web.

L’intelligence artificielle nous sert également à accélérer la création de résumés d’articles, pour générer des intros ou outros qu’on place sur les pages.

Enfin, nous l’employons pour prémâcher des briques de contenus, sur des sujets très descriptifs ou informationnels, quand les infos sont disponibles déjà sur le web.  Cela dit, c’est nécessaire d’avoir un process rigoureux de fact checking derrière, parce que l’IA peut se tromper !

Fleur : Oui, c’est sûr, l’IA n’est pas encore capable de remplacer nos consultants !

Cela dit, nous aussi on expérimente beaucoup. Pour la traduction, DeepL est assez bluffant. Bien sûr qu’il faut encore repasser derrière lui, mais ça fait gagner énormément de temps à nos traducteurs.

Pour les contenus très informatifs, type guides pratiques ou tutos, ChatGPT est capable de produire une V0, qu’il faut certes vérifier et compléter, mais qui peut éviter de partir d’une page blanche. Par contre, dès qu’il faut apporter une analyse, c’est beaucoup plus bancal, mais ce n’est pas étonnant : pour générer des réponses, l’IA fait des inférences statistiques en rapprochant les informations qu’elle voit souvent associées dans les corpus sur lesquels elle s’appuie. Elle ne réfléchit pas vraiment, et donc, elle n’est pas (encore ?) en capacité de faire le pas de côté essentiel à la production de ce type de contenus.

Et, en ce qui concerne la créativité, moi j’aime bien utiliser ChatGPT comme un genre de repoussoir. Si je cherche un angle original, par exemple, je vais demander des idées à ChatGPT et me dire ensuite : bon, si lui propose ça, moi avec mon cerveau d’humain, je devrais réussir à trouver mieux, ou en tout cas, autre chose de moins évident. C’est peut-être un peu prétentieux !

En tout cas, en début d’année, on a invité plusieurs de nos partenaires à réfléchir sur le sujet de l’IA et de la production éditoriale : comment l’utiliser pour identifier les bons territoires d’expression ? Pour personnaliser les contenus ou concevoir des visuels performants ? C’était tellement intéressant qu’on en a tiré un livre blanc.

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