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Cécile Ribour : « L’attention sincère, c’est une relation désintéressée »

Laurent Cabioch, directeur associé chez Spintank, s’est entretenu avec Cécile Ribour, directrice de la communication de la MAIF.

Dans cet article, on rencontre
Ça parle de quoi ?

Pour rester fidèle à ses engagements militants et à son ambition de porter une attention sincère aux autres et au monde, la MAIF orchestre sa stratégie de communication de manière radicale. En juin 2019, la MAIF a réaffirmé son engagement pour un impact positif sur la société. Comme le propose désormais la loi Pacte, l’assureur militant s’est doté d’une raison d’être, qui met en exergue une réelle volonté d’attention sincère, portée à l’autre et au monde.

Comment cette intention de sincérité se traduit-elle dans les actions quotidiennes du mutualiste ? Comment conjuguer communication et sincérité ? Être sincère, est-ce aussi être radical ?


La sincérité4

Raison d’être

Laurent Cabioch : Grâce à la loi Pacte, depuis mai 2019, toutes les entreprises peuvent devenir à mission et inscrire dans leurs statuts juridiques une raison d’être « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». La loi prévoit par ailleurs l’évaluation des actions déployées, à travers notamment la constitution d’un organe de suivi, dans lequel sont représentés les collaborateurs.
À la MAIF, vous avez été les premiers à vous engager sur la voie de l’entreprise à mission. Votre directeur général, Pascal Demurger, a d’ailleurs activement participé aux débats parlementaires sur le sujet. Comment avez-vous entrepris la construction de votre raison d’être ?

Cécile Ribour : En réalité, c’est une réflexion que nous avons initiée il y a deux ans, avant même que l’on ne commence à parler de la loi Pacte. Avec le conseil d’administration, nous avons mené un véritable travail de fond, nous avons creusé notre histoire, nos racines, nous avons cherché à mesurer notre évolution, à cerner nos fondamentaux… Un exercice projectif, qui a fait ressortir pourquoi nous étions là.

L.C. : Votre raison d’être s’exprime en une phrase : « Convaincus que seule une attention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun, nous la plaçons au cœur de chacun de nos engagements et de chacune de nos actions. »
Elle est le reflet de votre modèle économique, qui s’appuie énormément sur la fidélisation de vos clients et donc de leur satisfaction, de l’attention que vous leur portez. Nous savons qu’il est essentiel pour vous qu’elle soutienne l’activité de l’entreprise, et qu’elle ne reste pas un objet purement corporate. Pour autant, elle n’est pas conçue pour être un objet de communication…

C.R. : Effectivement. Notre raison d’être n’est pas une baseline, ce n’est pas une accroche que l’on aurait marketée. Son interprétation en communication, c’est une campagne comme #ChaqueActeCompte.
Notre travail de communicant, c’est de raconter ce que l’on fait. Or, à la MAIF, chaque décision fait l’objet d’un questionnement : est-on juste ? A-t-on un impact positif ? En fait, ce travail sur la raison d’être nous permet d’avoir une ligne directrice claire et cela nous rend la vie bien plus facile. Si l’on n’arrive pas à donner les preuves de nos engagements, le risque est d’être taxé de « mission washing ». Mais cette raison d’être a aussi un écho en interne, dans notre modèle managérial, qui favorise la symétrie des attentions et, à travers cela, l’épanouissement des collaborateurs.

L.C. : Quelle différence alors entre le purpose et la plateforme de marque ?

C.R. : Il y a une différence notable : en tant qu’entreprise à mission, ce statut nous engage et nous oblige vis-à-vis de nos parties prenantes, qu’il s’agisse de nos collaborateurs ou du grand public. Depuis toujours, nos sociétaires ont envers nous de fortes attentes mais c’est vrai qu’aujourd’hui, nous sommes aussi beaucoup plus regardés par le grand public. Cependant, je ne le vois pas comme un obstacle, plutôt comme une opportunité : celle de nous fixer un niveau d’exigence extrêmement haut.

Stratégie de com’

L.C. : L’attention sincère est au cœur de votre raison d’être. Comment la définissez-vous ?

C.R. : Cette attention sincère témoigne d’une considération pour l’ensemble des sociétaires, quels qu’ils soient. L’attention sincère, c’est une relation sans calcul, une relation désintéressée. Cela veut par exemple dire que nous n’allons pas chercher à vendre tout et n’importe quoi. Souvent, un assureur va chercher les garanties qui seront motif d’exclusion. Nous, c’est plutôt l’inverse.

L.C. : En tant que directrice de la communication, vous avez un véritable rôle de cheffe d’orchestre. Comment inscrivez-vous cette volonté d’attention sincère dans votre stratégie de communication ?

C.R. : Sur la forme, nous avons opté pour la radicalité d’une expression très marquée : nos personnages filaires, dont nous n’avons pas dévié depuis 2000. Ce type de dessin permet une universalité dans la représentation que nous faisons de l’autre et nous permet d’être sincères dans ce que nous disons.
La sincérité se traduit également dans le choix des sujets sur lesquels nous prenons la parole, et dans le choix de nos arguments. Nous sommes aussi attentifs au choix des mots et à notre manière de nous exprimer. Nous ne cherchons pas à être consensuels : nous avons un niveau de discours assez haut, et nous estimons que nos publics sont en capacité de l’entendre. Et nous sommes conscients du fait que, par exemple, nous n’allons pas forcément intéresser quelqu’un pour qui la tarification est le critère numéro 1.

L.C. : Comment l’attention sincère s’incarne-t-elle au quotidien ?

C.R. : Elle s’incarne dans les relations interpersonnelles entre les sociétaires et les conseillers. Concrètement, nous descendons cette ambition d’attention sincère dans des référentiels qui nous permettent de la décliner sur plusieurs supports, mais aussi dans les courriers aux sociétaires, dans nos publications commerciales…
À cela s’ajoute une logique de co-construction de nos supports, qui nous permet de prendre en compte les feedbacks de nos utilisateurs, leurs souhaits d’évolution… Et, bien sûr, pour plus d’impact, nous nous interrogeons régulièrement sur nos contenus ou sur nos formats

L.C. : Et quand vous êtes critiqués, comment vous adaptez-vous ?

C.R. : Nous ne sommes pas parfaits. Notre niveau d’exigence est élevé et, bien sûr, nous aimerions être exemplaires. Mais nous savons aussi qu’en réalité, personne ne peut l’être. Ce qui est important, c’est de faire quelque chose plutôt que rien. C’est pareil dans nos vies personnelles et un sujet comme celui du zéro déchet l’illustre bien : personne n’a de solution idéale ou n’arrive à être clean à 100 %, mais pour autant, toutes les actions, petites ou grandes, sont importantes.
L’objectif n’est bien sûr pas de nous positionner comme des donneurs de leçons, mais de montrer que c’est possible. Il faut aussi savoir admettre qu’on peut se tromper de temps en temps. Notre chemin se construit action par action, et ce n’est jamais terminé. En fait, en communication, nous avons besoin d’admettre que nous essayons.

Lecture recommandée
L’entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera plus
De Pascal Demurger, directeur général du Groupe MAIF

Radicalité

L.C. : Le dispositif #ChaqueActeCompte est structuré autour de trois grandes thématiques : économie responsable, société solidaire, numérique éthique. Elles vous permettent d’apporter de la lisibilité à vos actions et d’éviter l’éparpillement. Être sincère nécessite-t-il de choisir ses combats et donc de porter une certaine radicalité dans le discours ? Comment assumer cela lorsqu’on est la MAIF, et plus largement un assureur ?

C.R. : Nous avons plusieurs grands axes d’engagement, des champs dans lesquels nous voulons agir. Cela nous pousse à nous questionner, à objectiver notre investissement sur certains sujets. Cela a été le cas pour le sport : en quoi rentre-t-il dans nos piliers directeurs ? Finalement, la réponse est simple : ce que nous voulons, c’est avoir un impact positif. Or, le sport, ce sont des dizaines de millions de pratiquants. Un volume colossal qui en fait un levier de sensibilisation majeur.
Aux côtés des fédérations, des associations, nous agissons pour des événements sportifs responsables. Cette année, dans le cadre des championnats du monde d’athlétisme, nous avons mis en place un ravitaillement en vrac, des dossards recyclables… Et nous avons publié un guide de l’événement responsable avec un de nos partenaires, l’association Zero Waste France.
Cela implique aussi des choix : lorsque nous décidons de distribuer des pommes lors d’un événement sportif, nous nous privons de la possibilité de proposer des objets porteurs de notre logo.

L.C. : Cette radicalité de choix s’exprime-t-elle aussi dans votre discours ?

C.R. : Notre radicalité s’affirme dans notre raison d’être, pas dans notre expression. Dans nos communications, dans nos messages, dans nos réponses sur les réseaux sociaux, la bienveillance est de mise. Et nous souhaitons vraiment que notre radicalité s’exprime positivement, qu’elle se traduise par une volonté d’être « pour » plutôt que de se positionner « contre ».

À suivre

L.C. : La sincérité est un moyen enrichissant et vertueux de créer des récits publics mais, au contraire du storytelling, c’est aussi un engagement sur le long terme. Comment voyez-vous la suite ?

C.R. : La suite, c’est de continuer à endosser cette posture d’accompagnateur de la transformation en marche, à montrer le chemin. Et c’est un vaste chantier car aujourd’hui, nous n’en sommes qu’au démarrage…

Pour poursuivre la réflexion :

Lire ou relire L’entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera plus, de Pascal Demurger, directeur général du Groupe MAIF, Juin 2019

Rendez-vous sur chaqueactecompte.maif.fr pour découvrir l’un des fruits du travail de la MAIF avec Spintank : un site média mettant en lumière les preuves de l’engagement du mutualiste.

Auteurs et autrices

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